Tribune d'Information sur le Rwanda

Rwanda: TPIR/BILAN – actif et passif du TPIR, selon le professeur Andr� Guichoua

Professeur Andre Gichaoua

Andr� Guichaoua, professeur de sociologie � l’Universit� Paris-I-Panth�on-Sorbonne et t�moin expert aupr�s du TPI pour le Rwanda.

Lausanne, 16 janvier 2013 (FH) � Andr� Guichoua, sp�cialiste de la r�gion des Grands lacs africains et t�moin-expert aupr�s du Tribunal p�nal international pour le Rwanda (TPIR) salue, dans une interview accord�e � l�Agence Hirondelle, la contribution de la cour � l��radication de l�impunit�. Le sociologue fran�ais d�plore cependant l�absence de poursuites pour des crimes qui auraient �t� commis par l�ancienne r�bellion du Front patriotique rwandais (FPR) aujourd�hui au pouvoir.

Hirondelle :�Pensez-vous que le travail du TPIR ait vraiment contribu� � l’�radication de la culture de l’impunit�?

Guichaoua :�Tout ce qui contribue � l’expression de la v�rit� et qui sanctionne les crimes les plus graves qui puissent �tre commis par des individus, des groupes ou des �tats contribue � l’�radication de l’impunit�. Le statut du TPIR lui a donn� la plus large comp�tence possible dans le cadre des Nations unies pour y parvenir. Les d�cisions de justice que le TPIR a rendues l’ont �t� par des juges ind�pendants au terme de longues proc�dures contradictoires. Elles s’imposent � tous et servent d�sormais de r�f�rence � tous ceux qui combattent la culture de l’impunit�. Dans une r�gion touch�e depuis des d�cennies par de violents conflits, le travail – inachev� – accompli par le TPIR pour donner la parole aux victimes constitue un point d’appui et une lueur d’espoir pour toutes les victimes anonymes et ignor�es du pass� et du pr�sent.

Hirondelle :�Pour vous, quel est le principal succ�s du tribunal? Quel est son pire �chec, si �chec il y a?

Guichaoua :�Dans un environnement difficile, le TPIR aura accumul� en pr�s de vingt ans des milliers de t�moignages, de documents, de rapports, qui constituent d�sormais une somme d’archives exceptionnelle et unique. Pour tous ceux, simples citoyens ou professionnels divers qui voudront conna�tre, analyser ou prolonger ce travail d’histoire rigoureux, les archives du TPIR demeureront un acquis incomparable qui doit �tre enfin traduit en kinyarwanda, sauvegard� et prot�g� dans le cadre international qui lui a donn� naissance.
L’�chec du TPIR, qu’il partage avec d’autres instances internationales, tient au fait que la guerre, les massacres et les souffrances de millions d’individus perdurent aujourd’hui encore dans la r�gion des Grands lacs africains. Mais le plus grave est que les deux acteurs de la guerre civile rwandaise de 1994 figurent parmi les protagonistes les plus impliqu�s et actifs dans un processus de d�stabilisation r�gionale qui n’a pas d’�quivalent dans l’histoire r�cente du continent africain.
Mis en perspective, le refus du TPIR de poursuivre l’ensemble des crimes qui figuraient dans son mandat affaiblit son bilan et plus globalement la port�e de son message de v�rit�, de justice et de paix.

Hirondelle :�Voulez-vous dire que le tribunal a refus� de poursuivre les crimes qui auraient �t� commis par des �l�ments de l�ancienne r�bellion du FPR (Front patriotique rwandais) actuellement au pouvoir ?

Guichaoua :�Oui.

Hirondelle :�Quel est votre commentaire au sujet du refus de certains pays d’accueillir des acquitt�s du TPIR?

Guichaoua :�Une fois �puis�es toutes les voies de recours des parties, un jugement obtenu dans des conditions de transparence et d’�quit� incontestables doit �tre respect�. Y compris par ceux qui pourraient l�gitimement penser qu’une d�finition plus large de l’acception de la “preuve” dans un cadre judiciaire plus souple ou tout simplement diff�rent aurait permis de d�clarer ces acquitt�s coupables. On ne peut a posteriori mettre en cause les r�gles – toujours arbitraires – d’un processus judiciaire sous pr�texte que les d�cisions finales des juges ne conviennent pas � telle ou telle partie.

Hirondelle :�Avez-vous le sentiment que le TPIR a vraiment poursuivi les principaux auteurs pr�sum�s du g�nocide des Tutsis? Toutes les personnes inculp�es par le tribunal rentrent-elles dans cette cat�gorie des principaux auteurs pr�sum�s?

Guichoua :�Les procureurs successifs ont construit leurs strat�gies de poursuite en fonction des moyens et de l’environnement dont ils h�ritaient : connaissance des dossiers, collaboration des �tats, efficience du bureau de la poursuite, attentes exprim�es par les organisations que les victimes se sont donn�es et pression politique constante de la part des autorit�s rwandaises. Pour l’essentiel, des proc�s embl�matiques, individuels ou collectifs (militaires, ministres, m�dias, responsables des administrations territoriales), ont assur�ment abouti � la condamnation des principaux auteurs du g�nocide des Rwandais tutsis. On peut certes s’interroger sur un bon tiers des dossiers transmis devant les chambres dont la port�e judiciaire et/ou symbolique n’est pas �vidente, et surtout sur certains grands “absents” parmi les accus�s annonc�s. Mais les � bonnes � raisons qui ont motiv� la poursuite ou l’absence de poursuite sont chaque fois diff�rentes et compr�hensibles (opportunit�, dossiers insuffisamment �tay�s, collaborations des �tats d�faillantes, etc.).

Hirondelle :�La France est accus�e de ne pas vouloir juger les g�nocidaires pr�sum�s pr�sents sur son territoire. Selon vous, y a-t-il r�ellement un manque de volont�?

Guichaoua :�Je pense que la volont� existe au niveau politique comme au niveau judiciaire qui dispose d�sormais de moyens non n�gligeables. Pour autant, au bout de tant d’ann�es de tergiversations fran�aises et de surench�res politiques rwandaises, il est difficile de sortir des jeux de r�le dans une atmosph�re toujours marqu�e par un environnement passionnel. D’une mani�re g�n�rale, les proc�dures judiciaires sont longues et a fortiori lorsqu’elles sont men�es � l’�tranger avec des budgets jusqu’ici �triqu�s et des personnels qui doivent accepter d’inscrire leur engagement dans la dur�e. De plus, les juges d’instruction ne peuvent renoncer � leurs standards judiciaires, or les �l�ments de preuve, souvent issus des proc�dures de la justice populaire gacaca, font souvent probl�me. Enfin, il n’est pas envisageable de traiter en m�me temps dans un seul pays et dans des d�lais contraints plus d’une vingtaine d’affaires alors m�me qu’aucun pays parmi ceux qui ont organis� le plus de proc�s n’a atteint ce chiffre. Il faut commencer par une ou quelques affaires de forte port�e.

FH/ER

Source: Hirondelle News Agency.

 

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1 comment

1 rwagasana gerard from Phoenix, AZ, United States { 01.18.13 at 17:44 }

Pauvre Guichaoua ! Comment en est il arrive a parler des ” deux acteurs de la guerre civile rwandaise de 1994…”. Il confond (expres, revisionisme oblige) le genocide avec la guerre civile ! Il est tombe bien bas.

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