Tribune d'Information sur le Rwanda

Qui est cette nouvelle rwandaise qui d�range tant le r�gime de Kigali?

Le r�gime de Kagame est fortement agit� par les tentatives de r�conciliation v�ritable entre les Hutus et les Tutsis.
Voici un article int�ressant publi� par Ruhumuza Mbonyumutwa dans Jambonews dans lequel il brosse un portrait de Prudentienne, la championne de la r�conciliation.

Londres : rencontre avec une rwandaise qui d�range

Par Ruhumuza Mbonyumutwa

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Depuis un mois, l�actualit� dans la diaspora rwandaise est domin�e par les informations en provenance de Londres selon lesquelles le Rwanda harc�le plusieurs rwando-britaniques qui y vivent et aurait m�me envisag� d�en �liminer certains d�entre eux.
Qui sont ces rwandais qui d�rangent Kigali, quel est leur parcours, pourquoi d�rangent-ils, que veulent ils?

Jeune r�fugi� Hutu ayant fui les atrocit�s du FPR, femme Tutsi rescap�e du g�nocide de 1994,� Hommes et femmes ayant combattu dans les rangs du FPR, leurs profils sont diversifi�s mais ils partagent en commun le fait de r�guli�rement participer aux activit�s d�une association d�nomm�e ��PAX��, dont la derni�re en date fut une comm�moration organis�e le 19 avril 2011 et qui a particuli�rement d�rang� �le r�gime en place au Rwanda.

Afin de mieux comprendre cette association, Jambonews a rencontr� Prudentienne Seward, la pr�sidente et co-fondatrice de l�association dont l�histoire symbolise la complexit� de la trag�die rwandaise et a inspir� la cr�ation de cette association.

Prudentienne est n�e au Rwanda au d�but des ann�es 60 d�un p�re Tutsi et d�une m�re moiti� Hutu, moiti� Tutsi, ce qui dans la tradition rwandaise en fait une Tutsi � part enti�re, l�ethnie se transmettant par le p�re.

C�est avec un sourire nostalgique qu�elle nous raconte �comment la population vivait en symbiose et nous donne l�exemple de la tradition annuelle en septembre d����Ubudehe�� qui consistait � appeler en aide tout son voisinage, � venir r�colter ��amasaka��.

Pour ceux qui avaient des grandes propri�t�s, comme c��tait le cas pour sa famille ils invitaient tous les voisins � venir aider � cultiver un champ, et ensuite ��on partageait ensemble l����Ikigage��, offert par le propri�taire en guise de remerciements �, ��Hutu ou Tutsi, cela n�avait aucune importance, tout le voisinage partageait ensemble ce moment de joie. �

Lorsque le FPR a d�clench� la guerre le 1er octobre 1990, les relations avec la population n�ont pas chang� ��mais simplement, dans la rue, on me demandait plus souvent ma carte d�identit� �.

Le 06 avril 1994 au moment o� l�avion du pr�sident Habyarimana a �t� abattu, Prudentienne se trouvait � Butare et d�s le soir m�me c��tait la panique, ��tout le monde devait rester chez lui.�

Du 06 au 21 avril, elle nous raconte qu�� Butare les barri�res ont �t� constitu�es ensemble par des Hutu et des tutsi qui craignaient� que ��des membres de la CDR viennent assassiner des hutu du sud et des membres du parti PSD.��

Elle nous raconte, que c�est le 21 avril que les massacres syst�matiques visant les Tutsi ont commenc� ��avec un discours prononc� par le pr�sident int�rimaire Th�odore Sindikubwabo �. Elle nous dit qu�apr�s coup, elle a des doutes sur l�existence d�une planification, car nous dit-elle ��on a chauff� �les gens � la derni�re minute, c�est � partir du 21 avril qu�on a chauff� les esprits �.

Depuis cette date, elle se sentait menac�e et craignait que d�un instant � l�autre, des miliciens interahamwe puissent l�atteindre et la tuer. C�est le bourgmestre de Nyaruhengeri Charles Kabeza qui lui a sauv� la vie, ce dernier fut, nous raconte t-elle tu� par le FPR par la suite au Congo.

Le 24 juin 1994, c�est gr�ce � Oxfam, � l�association ��terre des hommes�� et surtout Chris, son mari, un citoyen britannique qu�elle a pu �tre �vacu�e vers le Burundi avec un groupe d��trangers.

Au Burundi, c�est l� qu�elle apprend la nouvelle selon laquelle toute la famille du c�t� de son p�re ainsi que ses ni�ces avaient �t� massacr�s par les Interahamwe.

En ao�t 1994, apr�s la prise du pouvoir par le FPR, Prudentienne d�cide de retourner au Rwanda retrouver sa m�re et sa grande soeur. �Pensant que la paix y �tait revenue, elle y vit une �v�ritable d�sillusion: ��alors que je pensais y trouver la paix, j�y ai vu �des choses horribles, le FPR �tait entrain de mettre les gens dans les camps, partout on pouvait sentir l�odeur des cadavres et �sur notre passage, des hommes �taient entrain d��tre syst�matiquement massacr�s�.

Prudentienne dans les bras de Noble Marara, ancien garde du corps de Kagame, à gauche, Jonathan Musonera, à droite, Rene Claudel Mugenzi

Prudentienne dans les bras de Noble Marara, ancien garde du corps de Kagame, � gauche, Jonathan Musonera, � droite, Rene Claudel Mugenzi

Elle arrive � rejoindre son village natal pour y retrouver ses proches, elle n�y trouve que ruine et d�solation. ��Les miliciens avaient d�truit notre maison �.

C�est en recherchant les traces de sa m�re quelle est tomb�e sur un homme qui lui a appris que sa m�re, sa grande soeur et sa tante qu�elle recherchait avaient �t� tu�s quelques jours avant par le FPR. ��A peine l�homme m�avait annonc� la nouvelle bouleversante, qu�un soldat du FPR dans les parages qui avait entendu l�homme s�est exprim�: ��on est venu vous sauver et maintenant vous d�tes qu�on vous a tu�s � et le soldat a abattu cet homme sous ses yeux.

Chris, son mari, qui �tait pr�sent lors de la sc�ne s�est alors exprim� avec col�re ��vous �tes cens�s �tre les sauveurs des gens et vous etes entrain de les massacrer�? � et l�homme s�est aussit�t justifi� devant elle�� Ta m�re a �t� tu�e parce que c�est une interahamwe, on ne tue pas les gens normaux (abantu bazima) �.

Ayant entendu son mari parler fran�ais, les soldats se sont agit�s en scandant ��c�est un fran�ais � et sous la panique, ils sont mont�s d�urgence dans la voiture et ils ont �t� poursuivis par une jeep qui tirait dans leur direction, ��mais gr�ce � dieu, on a pu leur �chapper �.

Ils ont fui le Rwanda et sont all�s vivre en Angola, o� son mari avait �t� nomm� repr�sentant adjoint d�Oxfam. En 1995, Prudentienne a d�cid� de retourner au Rwanda afin de pouvoir enterrer ses proches dans la dignit�. D�s l�a�roport, les soucis commencent et des agents lui posent agressivement toutes sortes de questions: ��comment� as-tu surv�cu�? �, ��ta famille est elle encore en vie ��? voyant qu�elle avait un passeport d�livr� en Juin �1994, un fonctionnaire s�exclame, � si� tu as surv�cu, c�est parce que tu es une interahamwe �.

Au bout des tractations, elle arrive � rentrer dans le pays sans �tre plus inqui�t�e et � peine avait elle enterr� sa m�re, qu�elle quitte aussit�t le Rwanda.

Le 3 avril 1996 en Angola, son mari est tu�, ��pris dans une embuscade qui visait des soldats de l�ONU avec lesquels il se trouvait �.

C�est le 6 avril 1996, qu�elle arrive en Angleterre o� elle vit d�sormais avec la famille de son mari qui l�a accueilli.

A peine arriv�e en Angleterre, elle a �t� approch�e par un groupe de rwandais qui �avaient eu vent de son histoire et qui lui a demand� de faire partie d�une association de rescap�s Tutsi afin de pouvoir t�moigner de son histoire.

��Ils voulaient que j�aille r�guli�rement t�moigner, et j�ai accept� mais je leur ai dit que ma m�re avait �t� tu� par le FPR, ce � quoi ils m�ont r�pondu que �a, je n�avais pas le droit d�en parler, que c��tait un accident, que c��tait � cause de jeunes du FPR qui sont arriv�s f�ch�s au Rwanda. �� et elle leur a r�pondu que dans ce cas, elle ne pouvait pas t�moigner car leur a-t-elle dit ��personne ne m�emp�chera de pouvoir parler de tous les �tres chers qu�elle j�ai perdus.��

C�est l� qu�elle a pris conscience de la gravit� du probl�me de la m�moire rwandaise ��je ne voulais pas que le g�nocide soit utilis� pour diviser les rwandais, je ne voulais pas que mon histoire puisse servir � oppresser d�autres victimes �.

C�est suite � cela, qu�en 1998, elle prend contact avec Rene Claudel Mugenzi et ensemble

Article du Times du jeudi 26 mai intitulé 'des hommes visés pour avoir demandé pardon pour les morts rwandais'

Article du Times du jeudi 26 mai intitul� “des hommes vis�s pour avoir demand� pardon pour les morts rwandais”

ils ont fond� le PAX, projet qui vise � promouvoir, la paix, la justice, le pardon et la r�conciliation entre les peuples des Grands Lacs. Au sujet du Rwanda, elle observe que beaucoup d�associations sont souvent mono ethniques et le PAX voulait d�s le d�part inclure toutes les ethnies. Le PAX organise r�guli�rement des conf�rences sur la m�moire ou des comm�morations communes de toutes les victimes.

Elle consid�re que le gros probl�me au Rwanda, c�est qu�il n�y a pas de justice. ��On s�attarde sur le Mapping Report alors que les personnes mortes au Rwanda tu�es par le FPR, personne n�en parle �.

Ce qui la r�volte c�est qu���il y a une partie des victimes qu�on fait taire, qui n�a pas le droit d��voquer ses �tres disparus, qui n�a pas le droit d��voquer ses morts et �a doit cesser car c�est ce qui emp�che une r�conciliation effective.�

Depuis qu�elle a commenc� le PAX, l�ambassade a tout essay� pour la recruter. ��Au d�but c��tait la s�duction, m�expliquer en quoi c��tait une bonne chose de travailler avec eux mais face � mes refus persistants, le ton s�est cors� et ils se sont montr�s plus mena�ants.��

La derni�re comm�moration qui s�est d�roul�e le 19 avril a particuli�rement d�plu le r�gime. Elle avait pour objectif de comm�morer ��toutes les victimes du g�nocide au Rwanda et de toutes les autres atrocit�s�� qui ont affect� le Rwanda depuis 1959. �.

Ce qui a particuli�rement f�ch� plusieurs rwandais pro-r�gimes qui l�ont appel�, c�est une phrase dans leur invitation qui disait ��les survivants, (Hutu et Tutsi), d�livreront leurs t�moignages, et partageront leur exp�rience pour que chacun comprenne la douleur de l�autre et qu�on aille vers le pardon et la r�conciliation �.

Depuis le lancement de l�invitation qui f�t �galement envoy�e � l�ambassade, �plusieurs rwandais l�ont appel� et lui ont dit que ��c��tait vraiment incorrect et d�plac� de parler de ��survivants Hutu��.

La c�r�monie s�est d�roul�e sans incidents et fut rapport�e par la BBC Gahuza Miryango. Des Hutu et des Tutsi ont successivement �cout� chacun leurs histoires personnelles.

Apr�s le t�moignage de Prudentienne, un ancien soldat du FPR, qui f�t garde du corps de Paul Kagame, Noble Marara a pris la parole et a demand� pardon ��pour avoir fait partie d�un groupe qui vous a fait autant de mal �, avant de la serrer dans ses bras sous les applaudissements des autres participants �mus.

Noble Marara, ancien garde du corps de Paul kagame, durant son témoignage

Noble Marara, ancien garde du corps de Paul kagame, durant son t�moignage

Les Hutu, les Tutsi ainsi que les anciens militaires du FPR ont chacun eu l�opportunit� de t�moigner, de raconter leur histoire dans l�objectif de permettre � chacun de mieux comprendre l�autre.

Depuis cette c�r�monie les menaces se sont intensifi�es, elle a re�u plusieurs coups de fils la traitant d�Interahamwe et lui disant que quelques soient les moyens � utiliser, le FPR stoppera leur projet.

C�est �galement 3 semaines apr�s cette comm�moration, qu�elle a entendu que la vie de Rene Claudel �tait menac�e ��j��tais en col�re, je me demandais comment est ce qu�ils pouvaient en arriver l� � et lorsque nous lui avons demand� si elle avait peur de mourir, sa r�ponse est aussi spontan�e qu�imm�diate ��Ntawatinya gupfa, urupfu yararunze � (�On ne peut pas avoir peur de la mort lorsqu�on a d�pass� le stade de la mort�)

Prudentienne est le genre de femmes dont l�histoire lui donne toutes les excuses du monde pour sombrer dans la haine et qui pourtant jour apr�s jour lutte pour la paix et le pardon.

Dans les r�ponses virulentes que le gouvernement de Kigali a�jusqu��pr�sent communiqu� pour d�mentir les menaces d�harc�lements, un argument est revenu souvent, pourquoi Kigali s�en prendrait il � des citoyens rwandais ��non connus���?

Voici l�invitation du PAX pour la c�r�monie du 19 avril 2011:

A REMEMBRANCE DAY FOR ALL VICTIMS OF RWANDA GENOCIDE AND OTHER ATROCITIES

PAX invites you to a church service to remember the victims of the Rwanda Genocide in 1994 and other atrocities that have continued to affect Rwanda since 1959,This will be held on Tuesday April 19th from 12:00 pmat St John�s United Reformed Church, Marsh Green Edenbridge, Kent, TN8 5PT

The service will be led by the minister of the church the Reverend David Skitt.

Survivors (Hutus and Tutsis) will give testimonies and share their experiences, to help all to understand each other�s pain and so move towards forgiveness and reconciliation.

There will refreshments after the service finishing by approximately 3:00 pm.

Le r�gime du FPR est un r�gime ethniste et raciste responsable de la mort de centaines de milliers de Hutu mais aussi d�un nombre ind�termin� de Tutsi. Le mouvement tire sa l�gitimit� internationale du g�nocide qui f�t perp�tr� en 1994 contre la minorit� Tutsi. D�s qu�un partenaire international �voque la moindre critique sur les violations des droits de l�Homme ou les crimes perp�tr�s par le FPR, la r�ponse fuse aussit�t comme l�a reconnu l�ancien directeur de cabinet de Paul Kagame, Th�og�ne Rudasingwa ��Ou �tiez vous pendant le g�nocide contre les Tutsi�? �, intimid�s et sans r�ponses, les partenaires internationaux se taisent aussit�t et abordent d�autres sujets.

D�un point de vue de la soci�t� rwandaise, le r�gime en place au Rwanda attaque avec la plus grande virulence quiconque, ose �voquer ses victimes. ��G�nocidaires, Interahamwe, n�gationnistes, partisans du g�nocide, Ibigarasha��, tel est le lot quotidien d�insultes qu�encaisse tout citoyen rwandais ou �tranger, quel que soit son background qui ose �voquer les crimes du FPR.

Les attaques les plus cyniques sont celles qui visent les rescap�s Tutsi, comme Prudentienne qu�on appelle ��Interahamwe�� ou encore D�o Mushayidi qui a perdu presque toute sa famille dans le g�nocide de 1994 et dont le procureur avait requis sa condamnation pour ��n�gationnisme��.

Les projets rassemblant des Hutu et des tutsi et visant une v�ritable r�conciliation repr�sentent aux yeux du r�gime en place une v�ritable menace face � la version de l�histoire qu�il a impos� et sur laquelle il est assis.

Ce n�est qu�en divisant la soci�t� rwandaise en deux camps �et en stigmatisant ses opposants mais aussi plus g�n�ralement toute la population Hutu comme g�nocidaires que le r�gime parvient � maintenir cette version de l�histoire.

Une paix durable au Rwanda exempte du spectre d�un nouveau conflit meurtrier ne passe pourtant que par la r�conciliation effective de la soci�t� rwandaise qui elle-m�me n�cessite la reconnaissance de toutes les victimes, la justice pour tous mais aussi et peut �tre surtout toute la v�rit� sur les causes du drame qui a endeuill� l�ensemble de la population rwandaise. Or jusqu�� pr�sent le r�gime refuse d�emprunter ce chemin de peur que des hauts cadres du FPR ne doivent r�pondre de leurs actes.

C�est pour ces raisons, que plus que les diff�rents groupes d�opposition aux querelles aussi incessantes que fatigantes, des associations comme le PAX sont consid�r�es par le gouvernement comme une menace qu�il faut � tout prix an�antir car elles remettent involontairement en cause les fondations m�me du pouvoir.

Ruhumuza Mbonyumutwa
[Jambonews]

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