Tribune d'Information sur le Rwanda

Paul Kagame au sujet de l’opposition politique et du d�ficit d�mocratique au Rwanda

Dans un entretien accord� � Fran�ois Soudan de Jeune Afrique,� le chef de l��tat rwandais Paul Kagame � l�� Iron man � de Kigali selon Jeune Afrique, parle de la d�mocratie, de l’opposition politique et de l’apr�s-Kagame.

Jeune Afrique: Vous avez �t� r��lu en ao�t�2010 avec 94�% des voix. Vous savez bien que ce n�est pas, de nos jours, un score politiquement correct�

Paul Kagame: Les 82�% de Jacques Chirac en 2002 �taient donc politiquement incorrects! Auriez-vous pr�f�r� un 54�%-46�% comme en C�te d�Ivoire, suivi d�une quasi-guerre civile? Soyons s�rieux. Chaque pays a son contexte et ses sp�cificit�s: consid�rer le Rwanda comme la France, en oubliant le g�nocide de 1994 et son million de victimes, c�est une aberration. Nous pratiquons la d�mocratie en fonction de notre histoire, de notre environnement et de notre exp�rience, qui ne sont pas les m�mes qu�en Europe. Nous b�tissons un nouveau pays. N�attendez pas que, du jour au lendemain, nous atteignions une sorte d�id�al universel. Et puis, pourquoi comparerais-je la qualit� et la sinc�rit� d�expression de mon peuple � celles des autres? Oui, au Rwanda, on vote avec un taux de participation de 96�% sans que personne n�oblige qui que ce soit � se rendre aux urnes et sans qu�il y ait besoin de falsifier les r�sultats. Ici, les gens votent pour la s�curit�, le niveau de vie, la justice, la r�conciliation, l��ducation. C�est-�-dire pour l�essentiel. �videmment, dans le monde riche, l� o� l�abstention �lectorale est de plus en plus pr�occupante, ces chiffres et ces motivations sont parfois consid�r�s avec commis�ration, voire avec m�pris. Mon Dieu, quelle ignorance!

Pour la plupart des observateurs, le niveau de d�veloppement d�mocratique du Rwanda est loin d�atteindre celui de son d�veloppement �conomique. N�y a-t-il pas une part de v�rit� dans ce jugement?

Je ne le pense pas. Posez donc la question aux Rwandais, pas seulement dans les villes mais aussi dans le moindre village. D�mocratie et d�veloppement en sont au m�me niveau et avancent dans la m�me et bonne direction. Bien s�r, dans le d�tail, cela d�pend des crit�res, et l�on pourra toujours dire que l�une remplit 80�% de sa feuille de route et l�autre 90�%. Mais le rythme de progression est identique. Beaucoup de repr�sentants d�ONG soi-disant ind�pendantes viennent ici et constatent nos succ�s dans les domaines �conomique, social et humain: il faudrait �tre aveugle pour ne pas les voir. Le probl�me est qu�elles ne le disent pas et semblent ne pas vouloir croire en ce qu�elles voient. Pourquoi? Je l�ignore. J�en conclus que les progr�s enregistr�s par un pays comme le Rwanda ne font pas plaisir � tout le monde.

Ceux qui vous critiquent n�auraient-ils pas un probl�me avec vous, plut�t qu�avec le Rwanda?

Je crois qu�ils ont un probl�me avec l�Histoire, avec le pass�, avec le g�nocide, avec leur propre culpabilit�, avec l�Afrique dans son ensemble. Je n�accepte pas, le gouvernement n�accepte pas, le peuple rwandais n�accepte pas que l�on d�cide � notre place. C�est le fond du probl�me.

Plusieurs ex-g�n�raux de votre arm�e et des dissidents de votre propre parti ont fond� il y a peu le Rwanda National Congress, cens� regrouper l�opposition en exil. Cela vous inqui�te-t-il?

Ces gens n�ont ni base, ni l�gitimit�, ni avenir. Pour moi, cette initiative est tout simplement inexistante.

Pourtant, des attentats � la grenade ont eu lieu � Kigali et il n�y a jamais eu autant de policiers et de militaires dans les rues�

Oui, mais cela n�est pas contradictoire. L�absence de base et de l�gitimit� populaire m�ne au terrorisme groupusculaire. Le fait que ces gens aient contract� des alliances avec des g�nocidaires patent�s bas�s � l�ext�rieur parle de soi et montre en outre qui ils sont r�ellement: des nuisances. Combien, parmi les dix millions de Rwandais, s�identifient � eux? Une fois de plus, ce qui m��tonne, c�est la facilit� avec laquelle certains milieux occidentaux se laissent prendre au jeu de ces criminels d�guis�s en opposants d�mocrates.

L�ancien Premier ministre Faustin Twagiramungu, qui a lanc� depuis Bruxelles la Rwanda Dream Initiative, estime que l�onde de choc des r�volutions arabes peut atteindre Kigali. Qu�en pensez-vous?

Les Rwandais font leur r�volution chaque jour. Mais ils la font pour soutenir le processus en cours dans ce pays, non l�inverse.

Amnesty International et Human Rights Watch consid�rent vos opposants Victoire Ingabire et Bernard Ntaganda, d�tenus depuis des mois, comme des prisonniers politiques. Votre opinion?

Chacun son business. Le n�tre est de faire progresser le Rwanda sans se laisser prendre en otages par ce type de consid�ration. Ingabire et Ntaganda ont enfreint la loi. Ils seront jug�s de fa�on impartiale.

Votre actuel et dernier mandat s�ach�vera en 2017. Le Rwanda pourra-t-il vivre sans vous?

Le contraire serait un �chec pour moi et pour nous tous. Vous savez, beaucoup de proph�tes de malheur se sont pench�s sur ce pays. On lui a annonc� un destin d��tat failli, on a pr�dit que notre exp�rience allait s�effondrer au bout de deux ans, on a affirm� que le progr�s c��tait bon pour les villes mais que les campagnes resteraient dans la mis�re, on a jur� que la face cach�e de nos performances �conomiques ne pouvait �tre que l�oppression et la dictature. Sur tous ces points, nous leur avons donn� tort.

La derni�re variante concerne l�apr�s-Kagame. Certains disent que ce sera le chaos, d�autres que je m�accrocherai au pouvoir. En r�alit�, vous le verrez bien, quitte � en �tre surpris: le leadership changera de mains, mais le chemin et la direction resteront les m�mes.

[Propos recueillis par Fran�ois Soudan de Jeune Afrique.]

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