Tribune d'Information sur le Rwanda

Face � l’ing�rence du Rwanda en RDC, les pays occidentaux r�duisent leurs aides

L’heure n’est plus � la flagornerie. Ni aux �changes diplomatiques doucereux et polic�s. Depuis qu’un rapport d’experts des Nations unies (PDF), rendu public le 27 juin, a explicitement accus� le Rwanda de d�stabiliser la R�publique d�mocratique du Congo (RDC) voisine par le truchement d’armes, de munitions et de combattants, le “pays des mille collines” est victime d’un d�samour patent de la part de ses principaux partenaires occidentaux.

Ceux-ci s’indignent du soutien apport� officieusement par l’ex-protectorat belge au Mouvement du 23-mars, groupe de mutins congolais en butte depuis mai � l’autorit� de Kinshasa. Cens� int�grer l’arm�e r�guli�re aux termes d’un accord scell� le 23 mars 2009, le M23 � issu d’une ex-r�bellion tutsie en RDC, le Congr�s national pour la d�fense du peuple (CNDP) � a fini par se retourner contre le pr�sident Joseph Kabila, faute d’obtenir les gages souhait�s. Le Rwanda se serait d’autant plus volontiers engouffr� dans cette br�che qu’il a soutenu nagu�re le CNDP pour mener, sur le sol congolais, la chasse aux g�nocidaires et rebelles hutus rwandais � lesquels repr�sentent toujours, � ses yeux, une s�rieuse menace.

Lasse de ce jeu trouble, une partie de la communaut� internationale a d�cid� dehausser le ton � l’�gard du r�gime de Paul Kagame, lui-m�me tutsi. La situation, en effet, est critique : au cours des quatre derniers mois, les combats dans l’est du Nord-Kivu � zone frontali�re du Rwanda et de l’Ouganda, o� sont situ�es les bases du M23 � ont contraint plus de 220 000 Congolais � fuir leur domicile, accentuant le d�s�quilibre qui frappe la r�gion d�j� tourment�e des Grands Lacs. D’apr�s une �tude d�voil�e en juin par le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA, Office for the Coordination of Humanitarian Affairs), pr�s de 17,3 millions de Congolais se trouveraient en �tat d’ins�curit� alimentaire aigu�.

INITIATIVE SYMBOLIQUE

A la fin de juillet, les Etats-Unis ont �t� les premiers � monter au cr�neau. Ladiplomatie am�ricaine a ainsi suspendu 200 000 dollars (environ 164 000 euros) d’aide destin�s � une �cole militaire. Faut-il y voir une inflexion de la posture adopt�e par Washington vis-�-vis de son alli� ? “L’initiative am�ricaine est essentiellement symbolique, dans la mesure o� les montants en jeu ne sont pas d�terminants. L’essentiel de l’appui militaire am�ricain se fait au niveau de la Communaut� de l’Afrique de l’Est [organisation qui, outre le Rwanda, regroupe leKenya, la Tanzanie, l'Ouganda et le Burundi]“, souligne Andr� Guichaoua, professeur � l’universit� de Paris-1 et t�moin-expert pr�s le Tribunal p�nalinternational pour le Rwanda (TPIR).

“Ce qui, de mon point de vue, est plus significatif, ce sont la d�claration du Congr�s am�ricain du 3 ao�t [fustigeant le manque de transparence du gouvernement rwandais, notamment sur son implication en RDC] et les propos tenus par Stephen Rapp, l’ambassadeur itin�rant charg� des crimes de guerre au D�partement d’Etat [lequel a affirm� que les dirigeants rwandais pourraient �tre poursuivis devant la CPI pour aide et complicit� de crimes contre l'humanit� dans un pays voisin]“, pr�cise-t-il.

Les Etats-Unis, en d�pit de leurs objurgations, ont fait savoir qu’ils ne retireraient pas leur soutien financier � la formation des troupes destin�es � pr�ter main-forte � l’ONU. Et pour cause : au 30 juin, pas moins de 4 571 soldats et policiers rwandais �taient impliqu�s dans diverses op�rations de maintien de la paix � travers le monde � soit la sixi�me plus importante contribution � l’institution onusienne en termes d’effectifs derri�re le Pakistan, le Bangladesh, l’Inde, l’Ethiopie et le Nigeria.

Dans la foul�e de l’administration Obama, plusieurs Etats europ�ens ont, eux aussi, entrepris ces derni�res semaines de rappeler Kigali � l’ordre. Les Pays-Basont lanc� le mouvement, mettant en suspens une aide de cinq millions d’euros pr�vue pour soutenir le syst�me judiciaire. La Grande-Bretagne (20 millions d’euros) et l’Allemagne (21 millions d’euros) leur ont embo�t� le pas. “Ce faisant, les Europ�ens ont profit� de l’opportunit� qui leur �tait offerte pour recouvrer un minimum de dignit� diplomatique par rapport � des faits qu’ils connaissent et qui sont document�s. Par le pass�, ils ne sont pas intervenus parce que le Rwanda pratiquait un chantage � la d�stabilisation de la r�gion. Mais celle-ci s’est aggrav�e, au point que la situation est devenue intenable”, analyse M. Guichaoua.

“PILLAGE INSTITUTIONNALIS�”

Ces “suspensions en cascade”, fait in�dit, s’apparentent � un d�saveu personnel pour Paul Kagame, longtemps consid�r� � et port� aux nues � par les bailleurs de fonds �trangers comme le principal architecte du redressement �conomique du pays apr�s le terrible g�nocide de 1994 (800 000 victimes). De fait, quelle autre nation d’� peine dix millions d’�mes et au pass� si tragique peut se targuer d’avoirconnu, au cours des cinq ann�es �coul�es, un taux de croissance moyen de son PIB de 8,2 % � taux qui, aux dires des autorit�s, aurait permis de tirer un million de personnes de la pauvret� en pleine crise mondiale ?

Aujourd’hui, ce succ�s ne suffit toutefois plus � faire taire les critiques. Aux accusations r�p�t�es d’ing�rence en RDC, Paul Kagame oppose les d�n�gations les plus fermes, arguant notamment qu’une telle politique “serait contraire aux int�r�ts de son pays”. “Nous ne fournissons pas un seule balle [aux rebelles congolais]. Nous ne l’avons pas fait et nous le ferons pas”, a-t-il assur�. L’argument ne convainc personne.

Depuis que le Rwanda a envahi son turbulent voisin, en 1996 et 1998 � chassant, � cette occasion, le dictateur Mobutu Sese Seko �, ses �lites ont largement profit�, et profitent toujours, des richesses mini�res que rec�le le sous-sol congolais (cobalt, cuivre, �tain, or). Selon certaines estimations, le fruit de ce”pillage institutionnalis�” rapporterait � Kigali plusieurs dizaines de millions de dollars par an. Une richesse sciemment mise sous le boisseau, qui a aussi son int�r�t politique. “Gr�ce aux canaux parall�les, la nomenklatura ach�te la paix sociale. L’ordre qui r�gne � Kigali et les aspirations de Kagame � faire du Rwanda le Singapour du continent africain d’ici � 2020 sont financ�s par ce biais-l�”, pointe Andr� Guichaoua.

ALTERNANCE EN PR�PARATION

En faisant fi des coups de semonce lanc�s par ses principaux partenaires, le Rwanda accentue cependant son propre isolement et joue une partition d�licate. Diplomatiquement, d’abord, car il brigue toujours un si�ge au Conseil de s�curit� de l’ONU. Financi�rement, ensuite, dans la mesure o� l’aide �trang�re repr�sente pr�s de la moiti� de son budget (45 %). Les Occidentaux pourraient-ils finir parrompre tout lien avec leur partenaire ? L’hypoth�se, juge M. Guichaoua, est inenvisageable � court terme. “Il n’existe pas dans la r�gion d’autre puissance susceptible d’assurer la coh�sion en mati�re d’ordre et de stabilit�. De fait, Kigali a les coud�es franches. En outre, tant que Kabila et Kagame n’abattront pas clairement leurs cartes sur ce qu’ils attendent de cette nouvelle confrontation, les chancelleries occidentales ne pourront pas aller plus loin”, observe-t-il.

Sur le front int�rieur, Paul Kagame, au pouvoir depuis avril 2000, a en grande partie perdu son aura d’invincibilit�. Ses opposants, toujours plus nombreux, fustigent un pouvoir “solitaire” et “autoritaire”, coupable de multiples violations des droits de l’homme. L’int�ress�, lui, s’en d�fend v�h�mentement. Reste que beaucoup, mezza voce, travaillent d�j� � l’alternance. “C’est aussi la raison pour laquelle les Am�ricains ne sont pas inquiets, conclut M. Guichaoua. D’ailleurs, eux-m�mes ont commenc� � pr�parer les officiers rwandais de demain…”

Aymeric Janier

Source:�Le Monde.fr

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1 comment

1 Retomb�es de la guerre dans l�Est de la RDC – L�apr�s-Kagame a commenc� | Rwandinfo_FR from Houston, TX, United States { 08.14.12 at 16:42 }

[...] Voir�une analyse du journal fran�ais Le Monde qui peint � sa mani�re le script de la chute probable de l�homme fort de Kigali. [...]

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