Tribune d'Information sur le Rwanda

Rwanda: Quand les observateurs pr�f�rent fermer les yeux

Manifestants anti-Kagame en Espagne

Jusqu’� quand fermerons-nous les yeux sur les crimes du FPR?

Les Occidentaux r�pugnent � mettre en cause le FPR.

Si la Bretagne �tait quadrill�e par plusieurs milliers de Casques bleus, si une centaine d’observateurs des droits de l’homme y �taient d�ploy�s et plus de 150 organisations humanitaires � pied d’oeuvre, croirait-on que des dizaines et peut-�tre plus d’une centaine de milliers de civils puissent y avoir �t� tu�s sans que le monde l’apprenne? A l’�vidence, non.

Mais le Rwanda, avec 26.000 kilom�tres carr�s (comme la Bretagne), est un pays africain sortant d’un g�nocide que la communaut� internationale a laiss� s’accomplir sans r�agir. Absent lorsque quelque 800.000 Tutsis rwandais se firent massacrer, le monde n’a cess� depuis de se racheter de sa non-assistance � population en danger. Arriv�s trop tard, les soldats de la paix et les gardiens des droits de l’homme ont eu du mal � se convaincre qu’� l’ombre du g�nocide le FPR ait perp�tr� des massacres, qu’il se soit impos� par la terreur et qu’il continue de tuer. Surtout, ils n’ont pas jug� politiquement correct de le d�noncer.

Lorsque avant m�me le g�nocide, en janvier 1993, une commission d’enqu�te internationale s’est rendue au Rwanda pour �valuer les atteintes aux droits de l’homme, elle n’a pass� que deux heures � interroger des t�moins dans la zone occup�e par le FPR. Aussi, le rapport publi� en mars ne consacrait-il que sept pages � sur une centaine au total � aux exactions commises par le FPR qui, ayant entre-temps rompu le cessez-le-feu, s’�tait mis � tuer des d�plac�s hutus. Selon le chercheur Andr� Guichaoua, il s’est rendu coupable de �dizaines de milliers de morts avant le g�nocide�. N�anmoins, en juillet 1994, au sortir du g�nocide, l’un des membres de la commission internationale, Jean Carbonare, s’est mis au service de la pr�sidence rwandaise comme conseiller. Sans pr�ciser cette nouvelle fonction, et tout en restant pr�sident d’honneur de l’ONG fran�aise Survie, il a appel� � �faire confiance au FPR�…

Quand en octobre 1994 un consultant du Haut-Commissariat pour les r�fugi�s (HCR), l’Am�ricain Robert Gersony, a accus� le nouveau r�gime d’avoir tu� au moins 30.000 Hutus depuis son arriv�e au pouvoir, cette enqu�te � men�e pendant trois semaines dans l’est du Rwanda et pendant une semaine dans les camps de r�fugi�s en Tanzanie � a �t� mise �sous embargo� par le secr�taire g�n�ral des Nations unies �en attendant une enqu�te approfondie�. Celle-ci a �t� boucl�e en un seul jour: le temps, pour une commission mixte compos�e du ministre rwandais de l’Int�rieur et de d�l�gu�s de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar), de se rendre � Rwamagana, � une cinquantaine de kilom�tres � l’est de Kigali. N’ayant rien trouv� de probant, la Minuar a d�cid� d’arr�ter les recherches. Son chef, Shaharyar Khan, admet aujourd’hui qu’il ne peut pas �invalider le rapport Gersony�, mais que celui-ci �constituait une mise en accusation de la Minuar�.

�C’est malheureux, dit un pr�tre � Kigali, mais les Rwandais n’ont plus en partage que leurs fosses communes… On a brass� tous ces morts, on les a exhum�s, amen�s ailleurs et enterr�s � nouveau, on en a fait une masse anonyme alors que la seule fa�on de rendre leur dignit� aux victimes aurait consist� � les identifier. Dieu reconna�tra les siens, mais nous autres, comment va-t-on s’y retrouver?� L’op�ration des Nations unies qui, depuis dix-huit mois, co�te plus de 2,5 millions de francs par jour, n’y sera d’aucun secours. Car la Minuar n’a quadrill� le pays que fin 1994-d�but 1995. Et encore: � ce jour, aucun de ses observateurs militaires ne s’est rendu dans les camps du FPR dans le parc naturel de l’Akagera, que les h�licopt�res de la Minuar ne survolent qu’apr�s avoir d�pos� leur plan de vol d�taill� 24 heures plus t�t. L’explication du g�n�ral Sivakumar, commandant en chef de la Minuar: �Le FPR nous l’a dit d�s notre arriv�e: Vous n’avez pas acc�s � nos camps d’entra�nement, vous n’�tes pas ici pour nous espionner.�

En octobre 1994, au moment de la pol�mique autour du �rapport Gersony�, la d�mission de Karen Kenny est pass�e inaper�ue. Responsable au Rwanda du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, l’Irlandaise estimait qu’en quatre mois sans voiture, sans budget et, surtout, sans observateurs � d�ployer, elle n’avait servi que d’alibi. Son successeur, Bill Clarence, a nou� des liens privil�gi�s avec le g�n�ral Kagame, l’homme fort du nouveau r�gime, � la connaissance duquel il portait des exactions relev�es et qui, invariablement, promettait d’y rem�dier. Lorsque, le week-end du 8 avril 1995, un Rwandais s’est r�fugi� dans les locaux du Haut Commissariat aux droits de l’homme � Kigali, il a �t� remis aux autorit�s.

Quelques jours plus tard, le 22 avril, l’arm�e du FPR a tu� au moins deux mille �d�plac�s� hutus � Kibeho. Une commission internationale a r�clam� des sanctions. A ce titre, le colonel Ibingira a �t� relev� et, pr�tendument, mis aux arr�ts de rigueur. Le 4 juillet 1995, il a particip� � la r�ception donn�e par la pr�sidence rwandaise pour comm�morer le premier anniversaire de la �lib�ration� de Kigali. Pr�sents en nombre, aucun diplomate, d�fenseur des droits de l’homme ou responsable d’une organisation humanitaire n’a protest�.

D�sormais dirig�s par Ian Martin, l’ancien secr�taire g�n�ral d’Amnesty International, les observateurs de l’ONU recensent ex�cutions, meurtres de vengeance et disparitions: une cinquantaine par mois, actuellement. �Il y en avait plus, avant�, indique le chef adjoint de la mission. Combien, et combien depuis un an? �Nous ne tenons pas de statistiques cumul�es.� Alors, que peut-on opposer aux rumeurs dans les camps de r�fugi�s autour du Rwanda, o� 1,6 million de Hutus s’inqui�tent de l’�ins�curit�? Faut-il leur dire qu’� ce jour aucun observateur des droits de l’homme n’est encore install� dans la pr�fecture de Byumba, la plus vaste du Rwanda et, peut-�tre, la plus �prouv�e?.

[Lib�ration]


ao�t 31, 2010   1 Comment