Tribune d'Information sur le Rwanda

Rwanda : Le gouvernement devrait autoriser une autopsie ind�pendante du corps d’un opposant politique

par Human Rights Watch.

Des experts �trangers devraient enqu�ter sur les circonstances du meurtre

� Il s’agit du second meurtre d’un critique v�h�ment du gouvernement rwandais en moins d’un mois. Une autopsie et une enqu�te ind�pendante sont n�cessaires pour d�terminer ce qui est arriv� � Rwisereka. �
Kenneth Roth, directeur ex�cutif

(New York) – Le gouvernement du Rwanda devrait autoriser des experts �trangers ind�pendants � effectuer une autopsie ind�pendante du corps d’Andr� Kagwa Rwisereka, vice pr�sident du Parti Vert D�mocratique, parti d’opposition, a d�clar� Human Rights Watch aujourd’hui.

Rwisereka a �t� vu pour la derni�re fois dans la soir�e du 12 juillet 2010. Son corps a �t� d�couvert � proximit� de la ville de Butare, dans le sud du pays, le 14 juillet. Il a �t� d�capit�, et des t�moins ont fait �tat de marques inhabituelles sur plusieurs parties de son corps.

��Il s’agit du second meurtre d’un critique v�h�ment du gouvernement rwandais en moins d’un mois �, a indiqu� Kenneth Roth, directeur ex�cutif de Human Rights Watch. ��Une autopsie et une enqu�te ind�pendante sont n�cessaires pour d�terminer ce qui est arriv� � Rwisereka. �

Les �v�nements qui ont pr�c�d� la mort de Rwisereka indiquent que le meurtre aurait pu avoir des motifs politiques. Il avait confi� depuis longtemps � des amis et coll�gues proches qu’il craignait d’�tre tu� en raison de son opposition au Front patriotique rwandais (FPR), le parti au pouvoir dans le pays. Ces derni�res semaines, Rwisereka avait sembl� de plus en plus pr�occup� par sa s�curit�.

� la fin du mois de juin, l’ancien secr�taire g�n�ral du Parti Vert, Charles Kabanda, avait rendu visite � Rwisereka au Sombrero Club, le bar dont Rwisereka �tait propri�taire � Butare, et avait tent� de le convaincre de quitter le Parti Vert. Rwisereka avait confi� � des personnes proches que Kabanda, qui avait quitt� le Parti Vert plus t�t cette ann�e, lui avait dit que le FPR ne laisserait jamais Rwisereka quitter la ��famille � – allusion au FPR – et s’�tait demand� ce qui arriverait aux membres du Parti Vert. Rwisereka a confi� � des personnes proches de lui qu’il a interpr�t� cela comme une menace.

Rwisereka, comme Kabanda et de nombreux autres membres du Parti Vert, �tait un ancien membre du FPR. Au cours des mois pr�c�dents, d’autres membres du Parti Vert avaient subi, de la part de personnes consid�r�es comme proches du FPR ou du gouvernement, des pressions pour abandonner leurs activit�s au sein du parti.

La police a d’abord d�clar� aux m�dias que Rwisereka avait �t� victime d’un vol, et que des gens qui l’avaient vu le soir de sa disparition affirmaient qu’il portait sur lui une grosse somme d’argent. Toutefois, des investigations suppl�mentaires men�es par Human Rights Watch et d’autres ont r�v�l� qu’il avait laiss� de l’argent � un parent dans la soir�e du 14 juillet, mais qu’il n’avait sur lui que peu d’argent et aucun objet de valeur au moment de sa mort.

La police a ensuite chang� son explication, invoquant un diff�rend financier entre Rwisereka et Thomas Ntivuguruzwa, la derni�re personne � avoir vu Rwisereka avant sa disparition. Ntivuguruzwa, que la police traite comme le principal suspect, a �t� arr�t� et demeure en d�tention.

��Les d�clarations contradictoires de la police et des divergences entre la version de la police et celles fournies par des sources proches de la victime s�ment le doute et la confusion sur les circonstances de la mort de Rwisereka �, a d�clar� Kenneth Roth. ��Une enqu�te ind�pendante approfondie devrait confirmer ou infirmer ces diff�rentes explications.��

Les circonstances entourant la mort de Rwisereka

Human Rights Watch a �tabli que le 12 juillet, Rwisereka est arriv� au Sombrero Club aux alentours de 22h et qu’il a bu et mang� avec Ntivuguruzwa, un client habitu� de l’�tablissement. Vers 1 h du matin, Rwisereka a quitt� le bar et est parti en voiture en direction de sa maison. Ntivuguruzwa s’est retir� dans la chambre d’h�tel qu’il avait r�serv�e au Sombrero Club et n’a pas �t� vu quittant l’h�tel avant le lendemain matin vers 9 h.

Le porte-parole de la police, Eric Kayiranga, a d�clar� � Human Rights Watch que Rwisereka n’�tait jamais arriv� chez lui. Le lendemain matin, une personne vivant dans la r�gion a vu la voiture de Rwisereka, qui se trouvait approximativement � trois kilom�tres du Sombrero Club, et elle a appel� la police. Le repr�sentant de la police a d�clar� � Human Rights Watch que le pare-brise �tait cass� mais que la police ne croyait pas que c’�tait le r�sultat d’un accident de la circulation. Les papiers d’identit� et les cl�s de Rwisereka se trouvaient � l’int�rieur de la voiture. Kayiranga a d�clar� que les policiers ont effectu� une fouille superficielle de la zone mais qu’ils ne s’attendaient pas � trouver Rwisereka � proximit� du site. La famille et les amis ont aussi fouill� la localit� pendant plusieurs heures, sur une distance de pr�s de deux kilom�tres, sans trouver la moindre trace de Rwisereka.

Le 14 juillet, la police a �t� alert�e au sujet d’un corps qui avait �t� d�couvert par des agriculteurs locaux, et a confirm� qu’il s’agissait de Rwisereka. Il avait �t� presque totalement d�capit� et son visage portait des traces de coups. La police a d�clar� qu’il �tait bless� au bras gauche et que sa jambe gauche �tait cass�e. Des personnes qui ont vu le corps ont rapport� � Human Rights Watch qu’il �tait couvert de dizaines de marques. Dans des d�clarations � la presse, le porte-parole de la police a rejet� les all�gations du Parti Vert selon lesquelles le corps de Rwisereka montrait des signes de torture. Un grand couteau de boucher a �t� trouv� sur les lieux, selon la police.

L’enqu�te de Human Rights Watch a r�v�l� que le corps de Rwisereka a �t� en fait d�couvert � seulement un kilom�tre de sa voiture, et non � trois kilom�tres, comme le porte-parole de la police l’avait dit. La police a d�clar� � Human Rights Watch qu’il y avait beaucoup de sang sur les lieux. Toutefois, lorsque Human Rights Watch s’est rendu sur les lieux le lendemain de la d�couverte du corps, il y avait peu de sang. Le sang �tait situ� � un seul endroit correspondant � peu pr�s � la taille de la t�te de Rwisereka, et le corps se trouvait sur une pente raide, ce qui sugg�re que Rwisereka pourrait avoir �t� tu� ailleurs.

La police a �galement d�clar� � Human Rights Watch que Ntivuguruzwa avait donn� une fausse identit� et n’avait pas r�v�l� son nom sur le registre de l’h�tel. Cependant, Human Rights Watch a vu le registre de l’h�tel et a confirm� que Ntivuguruzwa a donn� son nom, pr�nom et num�ro de carte d’identit�.

Contexte

Andr� Kagwa Rwisereka et le Parti Vert

Rwisereka �tait un membre de longue date du FPR, l’ancien mouvement rebelle qui a men� des attaques au Rwanda depuis l’Ouganda � partir de 1990, a renvers� le gouvernement qui a planifi� le g�nocide, et mis fin au g�nocide au Rwanda en 1994.� En juillet 1994, le FPR a form� un gouvernement qui est toujours au pouvoir au Rwanda.� Rwisereka avait travaill� en �troite collaboration avec des hautes autorit�s du FPR dans la collecte de fonds pour le mouvement, lors de son exil en R�publique d�mocratique du Congo, mais n’occupait pas de position officielle dans le parti ni dans le gouvernement form� par le FPR apr�s le g�nocide.� Au fil du temps, Rwisereka a perdu ses illusions sur le FPR. En 2009, il a quitt� le parti pour cr�er le Parti Vert D�mocratique – un nouveau parti d’opposition – avec d’autres anciens membres du FPR.

Le Parti Vert a connu de nombreuses difficult�s et n’a pas r�ussi � obtenir l’autorisation de la police ou des autorit�s locales pour tenir ses r�unions. En octobre 2009, une de ses r�unions a �t� violemment dispers�e par la police. Des obstacles plac�s � maintes reprises par des autorit�s de district l’ont depuis emp�ch� de s’enregistrer comme parti politique� ou de participer aux �lections pr�sidentielles pr�vues pour le 9 ao�t. Plusieurs de ses membres, y compris son pr�sident, Frank Habineza, ont �t� menac�s et invit�s � abandonner leurs activit�s politiques. Plus t�t cette ann�e, trois membres �minents, y compris Kabanda, ont d�missionn� du parti et d�nonc� ses politiques, dans ce que de nombreux observateurs ont consid�r� comme une tentative de d�stabiliser le Parti Vert soutenue par le FPR.

Si Habineza est habituellement le porte-parole public du Parti Vert, Rwisereka avait aussi pris la parole en plusieurs occasions. Dans une interview � la BBC en octobre 2009, il avait d�clar� : ��Il est temps que les gens bougent pour qu’il y ait le changement, parce que le FPR est incapable de faire une r�volution interne. Alors il faut qu’il accepte que d’autres viennent l’aider. Un parti qui ne se renouvelle pas, du point de vue de ses id�es, finit par tomber. Tous les partis que vous avez connus qui travaillent avec une dictature, o� est-ce qu’ils sont maintenant ? �

Autres attaques et actes d’intimidation r�cents contre les critiques du gouvernement

Plusieurs autres critiques du gouvernement ont �t� pris pour cible ces derni�res semaines. Le 24 juin 24, Jean-L�onard Rugambage, journaliste au quotidien ind�pendant Umuvugizi, a �t� tu� par balles devant son domicile, � Kigali, la capitale. Il est possible que son assassinat ait �t� li� � la position critique de son journal et aux enqu�tes sensibles qu’il menait dans les jours qui ont pr�c�d� sa mort, notamment sur la tentative de meurtre de l’ex-g�n�ral Faustin Kayumba Nyamwasa en Afrique du Sud. La police a arr�t� deux suspects, qui auraient avou� leur intention de tuer Rugambage, pour se venger d’un meurtre qu’il aurait selon eux commis pendant le g�nocide.

Umuvugizi, ainsi que l’autre principal journal ind�pendant Umuseso, a �t� suspendu pour six mois par le Haut Conseil des m�dias en avril 2010, l’emp�chant de ce fait de couvrir les �v�nements de la p�riode �lectorale.

Le leader du parti d’opposition PS-Imberakuri, Bernard Ntaganda, a �t� arr�t� le 24 juin et se trouve toujours en d�tention. Il doit r�pondre de plusieurs chefs d’accusation, dont atteinte � la s�curit� nationale et incitation � des divisions ethniques. Plusieurs autres membres de son parti ainsi que du FDU-Inkingi, un autre parti d’opposition, ont �t� arr�t�s le 25 juin. Ils ont �t� rel�ch�s quelques jours plus tard, mais leur affaire est toujours en instance.

Tout comme le Parti Vert, le PS-Imberakuri et le FDU-Inkingi ont �t� emp�ch�s de pr�senter des candidats aux prochaines �lections pr�sidentielles. Le� FDU-Inkingi n’a pas pu s’enregistrer comme parti, du fait d’obstacles similaires � ceux rencontr�s par le Parti Vert. Sa dirigeante, Victoire Ingabire, a �t� formellement accus�e de collaboration avec des groupes arm�s, d’id�ologie du g�nocide et de ��divisionnisme �. Le PS-Imberakuri s’est enregistr� comme parti, mais des membres dissidents s’en sont ensuite empar�s et ont mis en place une structure parall�le et nomm� leur propre pr�sident pour remplacer Ntaganda. Ni ce nouveau pr�sident, ni Ntaganda, ne sont candidats aux �lections pr�sidentielles.

Le 19 juin, un ancien g�n�ral rwandais, Faustin Kayumba Nyamwasa, a �t� la cible d’une tentative de meurtre en Afrique du Sud. Autrefois proche alli� du Pr�sident Paul Kagame et ancien chef d’�tat-major de l’arm�e rwandaise, Kayumba avait fui en Afrique du Sud en f�vrier. En exil, il est devenu un critique virulent du gouvernement� rwandais et du Pr�sident Kagame. De hauts responsables rwandais, y compris le pr�sident, l’ont � leur tour critiqu� publiquement. Le gouvernement rwandais a demand� son extradition � l’Afrique du Sud, l’accusant d’�tre derri�re une s�rie d’attaques � la grenade � Kigali au d�but de cette ann�e. La police de l’Afrique du Sud a arr�t� plusieurs suspects dans le cadre de la tentative de meurtre contre le g�n�ral Kayumba.

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juillet 21, 2010   1 Comment