Tribune d'Information sur le Rwanda

Rwanda: Le vent du changement est l� et Kagame a peur


�Le vent du changement est l�

Alors que le Comit� des droits de l’Homme des Nations unies est sur le point de publier la version finale d’un rapport sur les massacres au Congo de 1993 � 2003, la rwandaise Victoire Ingabire Umuhoza poursuit son combat � Kigali, � la t�te de l’opposition d�mocratique de son pays, pour la v�rit�, contre l’impunit�, et en faveur d’une effective r�conciliation entre Tutsis et Hutus.

par David Broman

Alors que l’on dispose de si peu d’informations pr�cises sur les dessous du g�nocide des Tutsis qui a eu lieu au Rwanda en 1994, on en sait encore moins sur les massacres ethniques � caract�re g�nocidaires perp�tr�s ensuite par les Tutsis contre les Hutus r�fugi�s en R�publique d�mocratique du Congo (ex-Za�re). Aujourd’hui, ces deux chapes de plomb, impos�es manu militari par le g�n�ral-pr�sident rwandais, Paul Kagame, sont lentement mais s�rement en train de se d�sint�grer…
�Ce rapport repr�sente pour le peuple rwandais un r�el espoir de changement. Tant que l’on ne peut pas parler des crimes commis par les deux camps, tant que l’impunit� d’un camp subsiste, toute r�conciliation entre communaut�s sera impossible.�
Victoire Ingabire Umuhoza, pr�sidente des forces d�mocratiques unies (FDU), principal parti d’opposition d�mocratique au r�gime de Kagame, demande depuis des ann�es que l’on enqu�te sur tous les crimes perp�tr�s par des Rwandais, et pas seulement les auteurs du g�nocide des Tutsis. Si elle a �t� arr�t�e en avril dernier et si elle n’est pas libre de ses mouvements aujourd’hui, c’est qu’en exigeant que l’on poursuive les auteurs des �crimes � caract�re g�nocidaire� commis sur les r�fugi�s hutus au Congo, elle s’est expos�e � la grave accusation de �n�gationisme�, de �minimisation du g�nocide� et de �collaboration avec une organisation terroriste�.
�Depuis avril je suis sous contr�le judiciaire. Mais les accusations contre moi sont non fond�es ce qui fait que mes accusateurs n’am�nent pas le dossier devant la justice. Je ne peux donc pas quitter Kigali � je peux sortir, aller au march�, au restaurant, mais toujours suivie de militaires et de policiers en civil. Toute participation � une r�union avec mes collaborateurs politiques m’est interdite. Je ne peux pas retrouver mon mari et mes enfants aux Pays-Bas. Deux fois par mois je dois me pr�senter au bureau du procureur, qui n’arrive toujours pas � m’accuser formellement. Cette situation peut durer dix ans…�
Et la fuite?
�Fuir signifierait abandonner la lutte politique. En effet, je ne pourrai rien changer, ni responsabiliser les gens ici si je me trouve � des milliers de kilom�tres. Au moins le peuple sent que je suis l� � j’arrive � m’exprimer et me faire entendre gr�ce aux m�dias internationaux. Je suis en quelque sorte le porte-parole des sans-voix et je sais que la population m’�coute.�

�Kagame a peur�

Que penser des bons r�sultats �conomiques du gouvernement Kagame?
�On ne peut pas dire que l’�conomie aille bien. La croissance spectaculaire du PIB symbolis�e par l’essor de Kigali, n’est qu’une couverture cosm�tique. � c�t� des 2% de riches qui prennent tout, il y a 98% de pauvres � la rue. Il s’agit l� d’une source d’instabilit� qui va croissant. Le FPR (ndlr: Front patriotique rwandais, le parti de Kagame) a la mainmise sur l’appareil �conomique, ce qui �touffe toute cr�ativit� et progr�s solide. La r�alit� se r�sume en une mauvaise gestion g�n�ralis�e pour tenter de participer aux march�s mondiaux, quitte � casser les march�s locaux. Voyez la tentative compl�tement rat�e de remplacer, dans le Sud-Ouest, la culture de la pomme de terre r�pondant � une demande locale, par le ma�s destin� � l’exportation mais qui s’entasse faute de transports…�.
Et la situation ethnique?
�En ne poursuivant les coupables que d’une communaut�, les Hutus, et en garantissant l’impunit� aux membres de sa propre communaut�, Kagame d�place le probl�me aux g�n�rations futures. Prenez par exemple les enfants des g�nocidaires en prison qui doivent vendre leur maison, vivre � la rue, sans scolarit� afin de payer les victimes de leurs parents. Cela cr�e des conflits durables entre les enfants. Non, il faut que tous assument leurs responsabilit�s. La r�conciliation ne pourra se faire qu’� cette condition.�
Politiquement cela signifie quoi concr�tement? Juger Kagame?
�Nous demandons � disposer d’un espace politique ouvert � l’opposition permettant des discussions avec le gouvernement en place. Kagame, dont le pouvoir se d�sint�gre de jour en jour, sait que sa place est en prison, il a donc peur de perdre le pouvoir. Mais le juger, cela va-t-il r�soudre les probl�mes du Rwanda? Nous exigeons plut�t qu’il accepte de donner un espace � l’opposition. Le r�gime doit accepter le dialogue afin de mettre en place un gouvernement transitoire pour la justice et la r�conciliation, tout en assurant qu’il n’y ait pas impunit�.�
Le rapport de l’ONU vient donc � un bon moment?
�Kagame est actuellement sous pression et affaibli. Nous esp�rons que cette fois l’ONU ira jusqu’au bout, car la publication ajoutera en effet de la pression au bon moment. Il est temps que toutes les victimes soient reconnues et que toutes les responsabilit�s soient assum�es. Le changement est � ce prix.�
Le changement… le voyez-vous venir?
�Oui, la population commence � comprendre que la r�pression n’est pas n�cessaire, que la sortie de la pauvret� passe aussi par la pratique des libert�s fondamentales. Oui, sans aucun doute, le vent du changement est l�.�

[Le Jeudi]

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