Tribune d'Information sur le Rwanda

Faim au Rwanda : les plus mal nourris sont les agriculteurs


Faim au Rwanda

Faim au Rwanda

Rwanda : les plus mal nourris sont les agriculteurs
par Albert-Baudoin Twizeyimana.

(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Les agriculteurs, qui produisent les denr�es alimentaires pour nourrir la population rwandaise, sont ceux qui souffrent le plus de la faim. Ce sont tr�s majoritairement des femmes qui manquent de terres, de force de travail, de temps pour aller aux champs, de moyens�
Le paradoxe est criant : ce sont les Rwandais qui produisent les denr�es alimentaires qui se nourrissent le plus mal. L’�tude men�e par le Programme alimentaire mondial et l’Institut national de la statistique (INSR) et publi�e en novembre 2009, r�v�le que 43 % des agriculteurs rwandais souffrent cruellement d’ins�curit� alimentaire : 24 % cultivent pour leur propre compte sur des petites surfaces donnant de faibles r�coltes ou, pour ceux de la r�gion Ouest, qui ne font que des cultures d’exportation comme le th�. Les 19 % restant cultivent les champs des autres. “Seuls ceux qui cultivent sont menac�s de faim”, r�sume un chercheur de l’INSR.
Kalimunda, 48 ans, qui habite dans le Bugesera, � l’Est du pays, est p�re de cinq enfants. Sa famille ne vit que de l’activit� agricole. Pour la derni�re saison culturale, il a r�colt� 60 kg de haricot, 100 kg de ma�s et 50 kg de sorgho sur ses trois ares. “Cette r�colte est insignifiante pour ma famille”, constate-t-il. De fait, elle ne peut la nourrir que pendant trois mois. “Nous allons manger tout ce que nous avons et apr�s ma femme et moi devrons aller travailler pour les autres pour de l’argent ou pour des denr�es alimentaires”, se r�signe-t-il.
“Et cette alimentation n’est pas �quilibr�e, note un nutritionniste de Nyamata, Est. Les familles qui produisent des c�r�ales ne mangent que leurs produits. Ils manquent terriblement de fruits, de l�gumes et de prot�ines. C’est pourquoi les cas de malnutrition se multiplient. Les gens n’ont pas les moyens de compl�ter leurs plats”.

Majoritairement des femmes
La surface des exploitations �7 ares en moyenne � est trop faible pour nourrir des familles souvent nombreuses. Le probl�me est aggrav� par le fait que 86 % des agriculteurs sont en fait des agricultrices selon The Rwandan Statistician, revue du service des statistiques, paru en mai 2008. Ce sont des veuves, des femmes dont les maris sont en prison ou qui ont quitt� les champs. En cinq ans, 19 % des agriculteurs de plus de 15 ans sont partis en ville. C’est donc aux femmes que revient l’essentiel de la lourde charge de nourrir non seulement leur famille, mais le pays tout entier avec une force de travail insuffisante.

Rwanda - paysanne

Rwanda - paysanne

Tous passent aussi trop peu de temps � cultiver : en moyenne, 4 heures par jour selon la deuxi�me Enqu�te int�grale sur les conditions de vie des m�nages (EICV), de fin 2006. “Le nombre d’heures de travail de la population reste tr�s r�duit partout dans le pays, en raison des r�unions intempestives, des courses pour obtenir des papiers administratifs, etc.”, constate un activiste des droits de l’homme de Kigali. “D’autres qui ont plus de temps ne s’adonnent pas suffisamment � l’entretien de leurs champs. Ils gardent leurs anciennes habitudes : cultiver seulement le matin et ch�mer les apr�s-midi”, explique-t-il.
Manque de terres, manque de force de travail, le revenu annuel d’un agriculteur reste tr�s faible : 39 % d’entre eux ne per�oivent que 54 000 Frw, soit 100 $ par an, les autres gagnent entre 66 000 et 93 000 Frw (120 $ � 170 $). Un commer�ant vendeur de produits vivriers gagne lui 141 000 Frw (261 $) en moyenne. Cette tr�s faible r�mun�ration de leur travail pousse les hommes � fuir la terre tandis que les op�rateurs �conomiques sont r�ticents � investir dans l’agriculture.

Une am�lioration r�cente
Selon le PAM et l’Institut national de la statistique, la production alimentaire s’est cependant am�lior�e en 2009 et les prix des denr�es se sont stabilis�s. Au cours de cette ann�e, ceux qui ont souffert gravement de la faim ont �t� estim�s � 21,5 % de la population g�n�rale contre 34,6 % il y a trois ans. L’Agence rwandaise de l’agriculture (RADA) �value les r�serves de c�r�ales � 200 000 t. “Une quantit� suffisante pour r�pondre pendant huit mois � la demande alimentaire int�rieure”, explique un agent de la RADA. Un responsable du minist�re de l’Agriculture avance que la politique agricole du gouvernement orient�e vers le march�, en vigueur depuis 2007, y a jou� un r�le important. Mais des conditions climatiques plus favorables expliquent aussi ces meilleures r�coltes.
Certes, depuis que chaque province doit cultiver les plantes les mieux adapt�es � la r�gion, la production de certaines denr�es a augment�. Ainsi, celle du ma�s dans la province du Nord est pass�e de 4 000 � 7 000 t en deux ans, selon Paul Munyakazi, un chercheur de l’USAID � Kigali. Mais les agriculteurs ont toujours aussi faim, car ils sont contraints de vendre la quasi-totalit� de leurs r�coltes sur leur march� � un prix trop bas pour leur permettre de subvenir � leurs autres besoins.
Malgr� ces difficult�s, l’investissement de l��tat dans le secteur agricole reste faible. Le rapport de l�Association de coop�ration et de recherche pour le d�veloppement (ACORD) de 2008 montre que l’agriculture, qui couvre pr�s de 90 % des besoins alimentaires des Rwandais, n’a b�n�fici� que de 10 % du budget national.
Source: syfia-grands-lacs.info

mars 6, 2010   2 Comments